Indymedia.be is niet meer.

De ploeg van Indymedia.be is verhuisd naar DeWereldMorgen.be waar we samen met anderen aan een nieuwswebsite werken. De komende weken en maanden bouwen we Indymedia.be om tot een archief van 10 jaar werk van honderden vrijwilligers.

L’Union européenne veut et obtient une force militaire au Congo

L’Union européenne veut et obtient une force militaire au Congo

L’UE prépare un déploiement de troupes au Congo. Elle en a pris l’initiative, même s’il apparaît que les Nations unies lui ont également demandé de le faire. L’UE a une nouvelle stratégie pour l’Afrique et sa force militaire en est un prolongement inévitable, à  ses yeux. Elle a laissé s’écouler trois mois avant de prendre sa décision et a en outre « omis » de consulter l’Afrique. Mais il y aura bien une force militaire européenne sur place. Tout le reste est secondaire.

Kalemie_InfoOps.jpg

Les instructeurs belges à  Kalémie ont du monter un journal pour convaincre la population qu'ils ne sont pas de retour "pour matraquer". (Photo : Raf Custers)

Il aura fallu trois mois à  l’Union européenne pour décider d’envoyer à  nouveau une force militaire au Congo. La décision est tombée lors du Sommet printanier des 23 et 24 mars à  Bruxelles. La première mission avait été baptisée Opération Artémis, elle s’était déroulée de juin à  septembre 2003 dans la région agitée de l’Ituri, dans le nord-est du Congo. Aujourd’hui, quelque 1500 hommes en provenance de sept (probablement) Etats membres de l’UE sont censés protéger les élections. Il s’agit des premières élections générales en République démocratique du Congo depuis l’indépendance, en 1960.

Jusqu’à  présent, le sommet de l’UE – et cela en dit long sur la volonté de transparence de l’Union ! – n’a toujours pas révélé grand-chose à  propos des véritables objectifs et modalités de cette nouvelle opération hors des frontières de l’Europe. Aldo Ajello, l’envoyé spécial de l’UE dans la région des Grands Lacs, a déclaré hier (le 4 avril) qu’avec sa force militaire, l’UE avait « surtout l’intention de dissuader les forces négatives désireuses de boycotter le processus électoral au Congo ». C’est pourquoi, quelques semaines avant les élections, une avant-garde de 400 militaires sera déployée dans la capitale Kinshasa. « Leur principale mission », annonce l’agence Belga, « sera de garder l’aéroport de Kinshasa ». Une autre tâche consistera à  évacuer les observateurs délégués aux élections.

Le quartier général des opérations sera situé à  Potsdam et sera placé sous direction allemande. Cette semaine, des militaires belges s’y rendront déjà . La France se chargera de diriger les opérations sur le terrain, lesquelles devront débuter le 8 mai. Le gros de la « force de dissuasion » sera installé dans un pays voisin du Congo et se tiendra prêt à  de possibles actions. La force pourra intervenir dans n’importe quel endroit du Congo, ainsi que dans l’est du Congo où opère déjà  la force des Nations unies, la Monuc. Une troisième composante, une sorte de « réserve stratégique », sera sans doute encore constituée en Europe mais, pour ce faire, le Conseil ministériel de l’UE doit encore donner son feu vert.

La France et l’Allemagne fourniraient chacune quelque 500 hommes. De même, l’Espagne, le Portugal, la Suède (qui collabore déjà  à  l’Opération Artémis), la Pologne, l’Irlande et l’Autriche en seront également. La Grande-Bretagne n’apportera son aide que dans le planning. L’armée belge enverra à  Kinshasa des médecins, des spécialistes et des équipes de renseignement qui travailleront avec des drones (appareils sans pilote) d’observation B-Hunter. À propos de la durée de la mission, le ministre allemand de la Défense, Franz Josef Jung a déclaré le 31 mars que les troupes de l’UE au Congo y resteraient « jusqu’au moment où un nouveau gouvernement congolais serait installé ». « La mission est prête et dispose de son emploi du temps », a déclaré Jung dans un journal régional allemand.

Jusqu’à  présent, c’est tout ce que l’UE a daigné faire savoir.

Apporter la stabilité

L’Union européenne en tant que telle n’est que trop heureuse de mettre sur pied cette force militaire, qui s’inscrit parfaitement dans sa nouvelle stratégie africaine. "Le débat en cours", notait encore l'agence AFP début mars, "a valeur de test pour l'UE qui souhaite muscler ses capacités autonomes d'intervention, surtout en Afrique".

Cette stratégie a été décidée fin 2005. Le 12 octobre 2005, une première note, intitulée Vers un pacte euro-africain, émanait de la Commission européenne, disant que les relations entre l’UE et l’Afrique devaient s’appuyer sur le partenariat et l’appropriation (partnership & ownership). « La politique et la stratégie en vue du développement ne peuvent être imposées de l’extérieur », ajoutait la note. L’UE soutient toutefois les orientations de l’Union africaine et du NEPAD (le « G5 africain »), car les deux blocs « partagent les mêmes valeurs » et prônent la croissance économique (8 % par an pendant 10 ans !) comme moteur du progrès et de l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale.

Politiquement, l’UE n’a nullement l’intention de se tenir à  l’écart. Au contraire, elle entend exercer son poids sur la politique en Afrique, car « l’UE ne se contente pas d’apporter son aide au développement, elle est également un partenaire politique et commercial ». Elle fera valoir son influence via un dialogue politique permanent, via le levier du financement et surtout via un soutien budgétaire (« censé devenir le principal mécanisme d’aide »).

Une condition fondamentale pour une croissance suivie, dit encore le texte, réside dans la stabilité politique. C’est pourquoi l’UE est étroitement impliquée dans le secteur militaire et sécuritaire en Afrique.
Au cours du sommet des 15 et 16 décembre, le Conseil européen à  Bruxelles approuve une note adaptée à  l’Afrique et prônant, non pas un pacte, mais un « partenariat stratégique avec l’Afrique ».

Ultérieurement, cette stratégie sera davantage élaborée. Tout d'abord à  Insbrück, les 6 et 7 mars 2006, lors du conseil européen des ministres de la Défense où – selon l'agence AFP - "l'idée soutenue par la France de créer un partenariat plus étroit avec l'Union africaine, notamment dans le domaine de la formation militaire" ést discutéé. A cet occasion les ministres de la Défense français et britannique, Michèle Alliot-Marie et John Reid, déclareront que l'OTAN " reste la pierre angulaire de la défense commune de l'Europe, mais il est indéniable que l'UE a un rôle bien particulier à  jouer pour faire avancer la paix et la sécurité internationale".

La lettre de Guéhenno

Encore avant la fin de l’année 2005, l’UE voit l’occasion belle de joindre les actes à  la parole. À savoir qu’il y a trop peu de troupes étrangères pour assurer « la sécurité des élections » au Congo.

Déjà , à  partir de septembre, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan insiste pour que soit renforcée la Monuc. Annan veut porter les effectifs de celles-ci, d’environ 17.000 Casques bleus, à  plus ou moins 25.000. Mais le Conseil de sécurité des Nations unies ne le suit pas dans cette voie. La Résolution 1635, approuvée le 28 octobre, n’octroie que 300 hommes de plus pour le Katanga (et prolonge le mandat de la Monuc jusqu’au 30 septembre 2006).

En novembre circule encore l’idée que l’Union africaine enverrait des troupes au Nord-Kivu afin de désarmer les « milices hutu ». Mais, le 27 décembre, s’il faut en croire la version officielle de cette tranche d’histoire du présent, les Nations unies demandent alors à  l’UE si elle ne veut pas mettre sur pied sa propre force de paix pour le Congo.

Une chose est sûre, entre-temps, c’est que la lettre du 27 décembre a bien été envoyée par Jean-Marie Guéhenno, le diplomate français qui, aux Nations unies, occupe les fonctions de secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix. Guéhenno provient de l’Ecole Nationale d'Administration en France, la fameuse ENA, dont les diplômés peuplent l’establishment français. Il a fait carrière dans la branche militaire de la diplomatie française.

Mais, dans ce cas, Guéhenno a été envoyé vers l’avant pour le compte de l’UE. L’initiative consistant à  envoyer des troupes de l’UE au Congo ne vient pas des Nations unies, mais de l’UE elle-même, via Guéhenno.

C’est ce qu’il convient de déduire d’un certain nombre de déclarations. La chose est confirmée par André Flahaut, ministre belge de la Défense nationale, et son entourage lors de leur périple au Congo, du 28 février au 4 mars. Flahaut est en mission au Congo pour le compte de l’UE, afin de voir ce que pensent les parties concernées (la Monuc, le gouvernement congolais et l’armée congolaise) d’une force militaire européenne au Congo.

Le 24 mars, les ambassadeurs de Belgique et des Pays-Bas au Congo s’expriment également en ce sens lors d’une réunion d’experts à  l’université d’Anvers. Ellen van der Laan, l’ambassadrice des Pays-bas, dit que l’UE a fait « une proposition » (« an offer ») en vue d’une « force de dissuasion » (« a deterrent force »). Johan Swinnen, l’ambassadeur de Belgique, dit ensuite, et textuellement, que « l’idée de Guéhenno se trouvait dans une lettre qui a été envoyée juste avant la fin de la présidence britannique de l’Union européenne ». Et d’ajouter qu’une force militaire au Congo « rapporterait pas mal de choses » à  l’UE.

La logique de l’UE est moins difficile à  éventer que ses secrets militaires. Ces derniers mois, l’UE n’a cessé d’insister sur les centaines et les centaines de millions qu’elle a investis dans la Transition au Congo. Elle entend bien que cet investissement rapporte. Elle ne tolèrera en aucun cas que le préambule et l’organisation des élections soient perturbés. De ces élections doit surgir un régime stable et, tant que ce régime ne sera pas installé, la force militaire européenne continuera à  dissuader les éventuels trouble-fête.

L'Union Européenne – qu'on ne se fasse pas d'illusions – n'a pas peur d'exercer toute sa puissance. Elle le démontre à  ce moment envers la Palestine et la Biélorussie. Pour ce dernier pays, dont le régime est traité par l'UE de dictatorial, l'UE impose le 6 avril une restriction totale de voyages pour 31 personnalités et le saisi de leur biens dans la communauté européenne. Le même jour, l'UE bloque toute aide financière pour le gouvernement palestinien constitué de membres de Hamas, un mouvement dont l'UE exige qu'il abandonne la résistance armée contre l'occupation israélienne.

En RDCongo, c’est un calcul on ne peut plus froid et, quoi que prétende l’UE, il a vraiment peu de chose à  voir avec La Démocratie. Les personnes qui ont suivi la Transition au Congo savent que, depuis 2002-2003, une caste politique des plus cyniques y a fait son nid, laquelle se soucie comme d’une guigne de la population congolaise. C’est au sein de cette caste que sera élue la nouvelle élite sur laquelle l’UE va construire au cours des prochaines années.

En coulisse, des motivations économiques jouent également. Elles se sont parfois exprimées elles aussi, ces derniers mois. Le gouvernement allemand défend la participation allemande dans la force militaire européenne face au parlement en insistant sur les coûts et avantages possibles pour l’Allemagne. Le 22 mars, la chancelière Angela Merkel déclare qu’une nouvelle « guerre civile » au Congo peut relancer l’immigration africaine vers l’Europe et que « le problème des réfugiés pourrait être plus grave encore qu’après la guerre en Bosnie ». Le ministre Jung déclare que « la stabilité dans cette région riche en matière première serait profitable à  l’industrie allemande ». Les membres du Bundestag allemand, qui sont favorablement disposés envers la force militaire européenne, se disent inquiets rien qu’à  imaginer que « les rebelles pourraient mettre la main sur les veines de béryllium », un métal qui, il faut le savoir, est utilisé dans l’armement atomique.

Une arrogance stupide

Dans tout cet acharnement à  vouloir une nouvelle force d’intervention européenne, l’UE néglige un aspect essentiel de l’affaire. Elle « oublie » d’éclairer et de consulter l’Afrique et le Congo à  propos du plan européen.

Le ministre Flahaut en rejette la faute sur la France. Le jeudi 2 mars, dans la salle Concordia à  Bukavu (Est de la RDC), il s’adresse à  un parterre de personnalités de la Société civile et reproche à  certains leur action « cavaliéresque ». Il s’agit d’une attaque voilée contre l’arrogance française. La veille, le ministre avait déclaré à  Lubumbashi : « S’il n’y a pas de demande de la part du Congo, il s’agit d’une force d’occupation. ».

L’ambassadeur Swinnen explique à  Anvers que Guéhenno a envoyé sa lettre à  la présidence britannique « sans même discuter la question avec la République démocratique du Congo ».

Les belles déclarations à  propos de l’appropriation africaine ont donc à  peine été couchées sur papier que l’UE, et la France en tête, en fait des papillotes.

Le Congo laisse entendre qu’il n’accepte pas la tournure prise par l’affaire. Le premier qui proteste publiquement, c’est le chef d’état-major de l’armée congolaise, le général Kisempia qui, début février, déclare que les FARDC (les forces armées congolaises) sont en mesure d’assurer elles-mêmes la sécurité des élections (et que, par conséquent, les renforts européens ne sont pas nécessaires).

Le ministre congolais de la Défense, Onusumba – un ancien rebelle qui, durant la guerre, a dirigé le mouvement du RCD, lequel collaborait avec le Rwanda, n’est guère loquace à  ce propos. Le 3 mars, quand je l’interviewe à  Bukavu, il me dit : « Les Nations unies (!) ont reconnu leur erreur. Mais qui sommes-nous pour refuser de l’aide ? Nous ne pouvons nous le permettre ! »

Des protestations africaines font toutefois que l’UE envoie le ministre Flahaut en Afrique afin de prendre la température. Sa mission consiste à  présenter un rapport explicatif de ses découvertes devant le Conseil des ministres européens de la Défense, qui se tient à  Innsbruck les 6 et 7 mars.

En route vers le Congo, le ministre fait escale au Bénin, puis en Afrique du Sud. Au Bénin, ce sont des militaires belges qui entraînent l’armée nationale. D’ailleurs, 750 militaires béninois vont être engagés dès la mi-mars dans la Monuc au Congo (et plus particulièrement au Katanga) en tant que Casques bleus des Nations unies.

En Afrique du Sud, une grosse surprise attend Flahaut. En effet, le mardi 28 février, le ministre sud-africain de la Défense, Mosiuoa Lekota, y va de son veto contre l’envoi d’une force militaire européenne au Congo. « Des troupes étrangères », dit Lekota, « ne sont pas nécessaires au Congo. Et s’il s’avérait malgré tout qu’elles le soient, la CDAA peut très bien s’en charger, puisque le Congo est membre de cette même CDAA. » La CDAA est la communauté pour le développement des pays de l’Afrique australe.

À la grande stupeur de beaucoup, Flahaut – qui est quand même l’envoyé européen – reprend la suggestion de Lekota. Les jours suivants, il visite quatre villes du Congo et il ne cache pas qu’à  Innsbruck, il demandera qu’on montre une certaine compréhension à  l’égard de la suggestion sud-africaine.

Le 4 mars, j’interviewe le ministre – lors de son retour en Belgique, au cours d’une escale à  Cotonou. Il y déclare : « On ne peut rien faire sans impliquer les Africains. Cela doit se faire ensemble, avec le Congo, l’Union africaine, l’Union européenne et la Monuc. Ainsi donc, il convient d’imaginer des pistes. Cela ne s’était pas encore produit. Je propose que Javier Solana et d’autres dirigeants européens viennent rencontrer tout le monde ici. L’Union européenne fait déjà  beaucoup, ici, mais elle doit venir le confirmer. »

Est-ce une critique implicite à  l’égard de la France ? demandé-je. Mais le ministre répond : « Non, ce n’est pas une critique. C’est très bien que nous soulignions notre intérêt permanent. Mais, ici, on a d’abord planté le drapeau, puis seulement examiné ce que nous allions faire. Je veux tout simplement qu’on respecte l’ordre correct. Le but est le même, naturellement, à  savoir que l’Union européenne soit présente ici, qu’elle soit visible et qu’elle fasse valoir explicitement son intérêt. »

Le ministre Flahaut suit donc la ligne interventionniste européenne. Mais : de toutes les anciennes métropoles coloniales, la Belgique est sans doute celle qui perçoit le mieux le côté aisément irritable du caractère congolais.

Un exemple : lorsque les troupes belges du génie sont arrivées à  Kalemie en novembre 2005 pour y entraîner les militaires congolais, elles se sont heurtées à  une grande méfiance de la part de la population. Ces gens n’étaient pas très enchantés de voir arriver leurs oncles belges. Au contraire, bien vite, la rumeur s’est répandue : « Les Belges sont revenus pour nous matraquer. » L’armée belge a donc dû lancer la Radio Rafiki et un petit journal pour expliquer ce qu’elle venait faire à  Kalemie. Selon le commandant Pierre Roelandts, le responsable des opérations d’information de l’unité belge à  Kalemie, la méfiance était due au fait que, durant la guerre (jusqu’en 2003), Kalemie avait été pour ainsi dire complètement isolé du monde extérieur.

L’ambassadeur Swinnen fait remarquer la chose suivante, durant la réunion des experts, le 24 mars : « Les médias congolais reprochent de plus en plus à  la communauté internationale de s’occuper des affaires du Congo. C’est dangereux. Cette tendance reflue un peu, aujourd’hui, il y a de nouveau un peu plus de confiance. Mais cela reste dangereux si la communauté internationale s’obstine à  imposer des choses ou si cela est perçu de la sorte. Dans ce cas, notre action n’aura aucun résultat. »

L’UE a exercé de fortes pressions sur les dirigeants congolais. L’envoyé de l’UE, Aldo Ajello, le reconnaît également. « J’admets avoir douté plus d’une fois du bien-fondé de la chose », déclare-t-il le 4 avril pour l’agence Belga.

Manifestement, la Belgique tente de détecter les sentiments congolais sur le plan de la souveraineté et de les signaler à  l’UE. Mais, comme a pu s’en rendre compte le ministre Flahaut durant le sommet d’Innsbruck, elle se heurte en première instance à  un mur d’incompréhension. Après cela, la chancelière allemande Angela Merkel ira également déclarer à  Berlin qu’« une éventuelle mission militaire européenne au Congo ne peut se faire qu’avec l’accord des autorités congolaises ».

Cet épisode illustre bien le fait qu’à  l’égard de l’Afrique, l’UE se comporte de par sa nature comme une puissance arrogante qui est tout de même capable d’une approche plus habile.

Une bévue tactique

Si l’UE veut également réaliser son « partenariat » avec l’Afrique, il va lui falloir apprendre à  intervenir de façon tout aussi tactique que l’Afrique du Sud. Avec son opposition à  une force d’intervention européenne, Pretoria a rapidement riposté. Il faut savoir que l’Afrique du Sud considère le Congo comme son propre jardin. La phrase qui suit est d’ailleurs à  imputer à  d’éminents hommes politiques du parti gouvernemental sud-africain, l’ANC : The Congo is ours ("le Congo nous revient").

Cela se manifeste via une diplomatie économique très affairée. À la mi-mars, le président Mbeki était encore au Congo à  la tête d’une large délégation – c’est un journal congolais qui le dit – de huit ministres, deux ministres-adjoints et une pléthore de fonctionnaires gouvernementaux.

L’Afrique du Sud prend à  cÅ“ur non seulement les intérêts de ses propres entreprises (comme la compagnie d’électricité Eskom, la compagnie pétrolière PetroSA et l’opérateur téléphonique Vodacom), mais aussi ceux de nombre de multinationales, surtout anglo-saxonnes. En raison de sa législation, de ses banques, de ses transports et de ses télécommunications, l’Afrique du Sud sert en effet de hub aux multinationales désireuses de s’étendre vers l’Afrique noire.

Cette fois, la rivalité au Congo n’a pas été poussée à  outrance. Manifestement, l’ambassadeur américain William Swing y a mis du sien. Swing se trouve à  Kinshasa à  la tête de la Monuc, la mission de paix des Nations unies. Le 13 mars, il s’est rendu en Afrique du Sud pour y avoir un entretien avec le président Mbeki, entretien qui a débouché sur une déclaration disant que l’Afrique du Sud renonçait à  s’opposer à  l’envoi d’une force militaire au Congo et qu’au contraire, elle voulait y collaborer. If you can't beat them, join them (Si vous ne pouvez les vaincre, faites-en vos alliés.) Certains journaux ont alors prétendu qu’avec son idée d’une force militaire de la CDAA, le ministre Lekota avait agi uniquement de sa propre initiative.